Le temps d’une exposition, Adventices propose aux visiteurs de se mettre dans la peau d’un artiste face à des terrains d’expression bruts et imprévisibles.
Si l’art urbain couvre un vaste spectre de disciplines et de styles - abstrait, figuratif, lettrage, art cinétique ou encore installations plastiques– il soulève systématiquement la question universelle du rapport à son environnement. Du simple mur à la friche industrielle monumentale, comment appréhender un espace où l’art n’avait initialement pas sa place ? Cette notion d’intervention intrusive inspire d’ailleurs le titre de l’exposition : les adventices sont des espèces végétales qui prennent vie dans des espaces où elles ne sont pas désirées.
Les artistes Alfe, Arnaud Liard, Bruna Vettori, Sébastien Preschoux, Yann L’Outsider et Fred Battle ont tous fait l’expérience de ces lieux urbains en mutation au sein desquels ils ont laissé une trace. Leurs créations pouvaient s’apparenter à des adventices : ces mauvaises herbes en théorie indésirables mais qui témoignent d’une nature reprenant ses droits. Le parcours de l’exposition va jusqu’à suggérer l’effet des saisons qui se succèdent avec un premier temps marqué par une sobriété colorimétrique (automne – hiver) puis une amplification de la palette de couleurs (printemps – été).
L’appréhension d’un lieu en mutation comme terrain de jeu et d’expression n’est pas sans rappeler l’histoire même de la Manufacture : d’abord usine, puis friche et enfin lieu culturel, que nous raconte la mémoire de ce site chargé d’histoire ?
Bien qu’incarnée par un groupe de six artistes aux expressions protéiformes, cette exposition s’apparente à une véritable expérimentation commune : elle est le fruit d’une discussion et d’une réflexion en continu au service d’un parcours à la fois artistique et organique.
L’exposition Adventices s’articulera autour d’œuvres existantes et d’œuvres qui seront créées in situ des artistes suivants :
Yann L’Outsider :
Yann Le Berre, alias L’Outsider, s’initie dès 17 ans aux codes et techniques du graffiti – il est fasciné par la liberté et l’énergie de cette pratique qui investit l’espace urbain. Ses études à l’École Boulle l’amènent à Paris en 2006. Bien que souffrant de dyslexie aiguë, il a constamment travaillé avec les lettres et les mots. Progressivement, il développe un style caractéristique façonné par l’architecture, le graphisme, l’art contemporain et s’élargit par la diversité des cultures qui l’inspirent. Son rapport au graffiti évolue peu à peu et se détache de la lettre révélant ainsi une audacieuse transition vers l’abstraction et le constructivisme. Des œuvres très graphiques, souvent colorées, qui percutent l’œil ou posent une énigme, et qui s’immiscent peu à peu dans le monde de l’art et dans l’univers des galeries. Cela s’est traduit par des expositions à Paris, Zurich et dans d’autres villes européennes. Néanmoins, il adhère toujours à la pratique dans l’espace public, qui repose principalement sur l’action spontanée, l’intuition et la spécificité du site.
©Yann L’Outsider
Alfe :
C’est en véritable passionné du Graffiti, de son univers magique et mystérieux, que sont réalisées les peintures d’Alfe depuis le début des années 2000. Sa peinture, en constante évolution joue avec les codes du Graffiti et du Graphisme. Tantôt figurative, tantôt abstraite, truffée de lettres ou de signes graphiques, c’est à travers une dynamique de lignes et des couleurs vives que l’on reconnaît son style. Autant influencé par les Masterpieces du Graffiti New Yorkais que les bandes dessinées de Métal Hurlant et l’architecture de Hundertwasser, c’est à la croisée des cultures que se forge le style de Alfe, de Paris à Marseille.
©Alfe - Lunatic
Arnaud Liard :
Issu de la scène graffiti parisienne, Arnaud Liard est un artiste multiple, mixant plusieurs domaines de la création pour obtenir un résultat surprenant. Après lʼobtention dʼun diplôme de peintre en lettres, il se consacre dès la fin des années 80 à la création de fresques murales. En 2001, il co-fonde le collectif TRBDSGN avec les artistes Hobz et onde. Conçu comme un laboratoire multidisciplinaire, le studio TBDSGN explore les univers du design dʼobjet, la scénographie, le design graphique, et pour Arnaud Liard cette époque marque le début de ses recherches picturales sur toile. Cela le conduit à explorer plusieurs champs de recherches abstraites, figurative et sculptures des travaux qu’il nommera plus tard « L’esthétique du chaos ». Il s’intéresse à l’architecture des villes et aux Hommes qui les peuples ; À l’aléatoire de la destruction, aux paysages architecturaux déstructurés, les trottoirs de goudron maintes fois rapiécés, aux textures des vieux murs ridés qui peuplent nos villes, de tout cela il se nourrit de la plus petite à la plus grande des imperfections. Ses recherches sont intimement liées à ces lieux où il a tant peint, là où les couleurs criardes des fresques retentissent, il en découle des œuvres qui en sont directement inspirées.
Arnaud Liard - Magasin Libre Reims - ©Vince VDH
Bruna Vettori :
Bruna Vettori est une artiste brésilienne qui étudie à l’Université de Porto (Portugal), et à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris.
L’écriture est le point de départ de son travail. Elle en explore les potentiels plastiques au-delà de sa propre sémantique, à la recherche de possibles intersections entre le texte, l’image et le support.
La répétition de l’écriture, de la déconstruction et de l’effacement sont des processus récurrents dans son travail, où la spontanéité et la fluidité sont expérimentées en continu.
Sans exigence de lisibilité, les signes-écriture sont des vestiges du geste. Les lignes et les points coexistent comme des signes graphiques ; ouvrant des possibilités de sens qui explorent le passage du temps et les potentialités poétiques au-delà du langage.
©Bruna Vettori
Sébastien Preschoux :
Sébastien Preschoux est un artiste parisien autodidacte connu pour ses installations à la main de fils tendus et ses dessins géométriques. La caractéristique principale qui différencie son art de nombreux concepts esthétiques contemporains est son insistance sur le travail manuel. S’inspirant des valeurs du mouvement du Bauhaus qui proclame l’importance fondamentale des tâches manuelles, il tend à rester fidèle à la notion et, à son avis, le seul art qui a du sens est celui qui est fait main. Cette approche, qui est tout à fait dans une confrontation avec la culture contemporaine dans laquelle la technologie prévaut, est essentielle pour sa critique des arts et du style de vie moderne. Il fait l’éloge de la valeur et des possibilités du corps humain en tant qu’outil parfait pour créer et apprécier l’art. Il prétend qu’il suffit d’investir tous nos sens et de faire preuve d’un peu de patience – et chacun pourrait créer ce que Sébastien fait.
©Sébastien Preschoux
Fred Battle :
L’artiste français Fred Battle est diplômé en design produit : l’étude de l’objet a déterminé ses recherches picturales. A l’heure où les matériaux employés dans l’industrie sont conçus selon des modes de consommation vertigineux, la dégradation des formes et matières travaillées par l’homme est au cœur de ses explorations plastiques.
Du portrait de l’objet à la question de l’empreinte, sa pratique tend à explorer la résurgence inévitable de la forme et de la matière. C’est notamment en regardant les épaves qu’il explore ce premier état de transformation et de transition de la matière et de la forme. En peinture, il interprète le romantisme des espaces en mutation où l’objet est laissé entre les mains de la providence, la tôle redevient nature, la forme devient contour et la couleur brûle, s’oxyde.
Dans ses travaux récents, il représente des objets submergés, les fige dans le pigment et bouleverse ainsi l’organisation du paysage. En adoptant un axe de perspective descendant, les substances prennent du relief ; les reflets confèrent un aspect sculptural aux formes et matières.
©Zoer -Zoerism -Electrolytes
Adventices est le fruit d’une collaboration entre Quai 36 et La Manufacture avec le soutien d’Une 5ème Saison, biennale d’art et de culture d’Aix-en-Provence